Suite de la catégorie d’articles: un dressing vegan, mode d’emploi.
Le premier chapitre concernait les matières et fibres qui n’appartiennent pas aux placards d’un amoureux des animaux. Un tour d’horizons de ses matières communément utilisés et qui pourtant portent la souffrance inutile de millions d’animaux.
Dans la liste des matières animales couramment utilisés dans nos vêtements, chaussures et accessoires figure la laine. En parlant de la laine, j’étais plutôt certaine d’attiser certaines réactions. C’était mon objectif. Un article spécifique, 10 raisons de dire stop à la laine, lui est dédié. Vous apprendrez pourquoi l’industrie de la laine n’est pas sans victime.
Une autre fibre qui pose de nombreuses questions, c’est la soie. Alors la soie, vegan ou pas? Quand on me demande pourquoi je n’en porte plus, il est difficile de formuler une réponse argumentée et claire qui explique le problème de la soie. Je baragouine une ou deux phrases sur le fait que des chenilles sont tuées. Honnêtement, je me suis rendue compte que je n’étais pas calée sur le sujet. Suis-je la seule? Je ne pense pas.
Quand on parle de fourrure ou de cuir, nous comprenons facilement. En revanche, quand nous parlons de la soie, j’ai l’impression que peu de personnes sont au courant. Voici un guide sur le problème de la soie. Si une personne vous demande “pourquoi tu ne veux pas acheter cette écharpe en soie?”, répondez simplement “je connais un article pour toi”. Et nous nous retrouvons tous ici à apprendre pour entreprendre une mode sans cruauté.
La soie est-elle vegan? La réponse n’est pas aussi simple que vous le pensez. Pour clarifier la question, deux étapes sont nécessaires. Il faut séparer le processus de production de la soie et comprendre également comment l’industrie fonctionne dans son ensemble.
Parlons de la soie
La soie, qu’est-ce que c’est?
La soie est un tissu couramment fabriqué à partir des cocons d’une espèce de chenille connue sous le nom de Bombyx mori.
Pourquoi «couramment»? La soie fabriquée à partir des cocons de Bombyx mori, représente 90% de l’industrie de la soie. Cependant, il existe des dizaines de variétés de soie. Celles-ci peuvent être récoltées à partir de différentes espèces d’insectes et d’araignées. Mais pour cet article, nous nous concentrerons sur la soie du mûrier.
La soie en tant que matériau est souvent appelée la «reine des tissus» en raison de sa sensation luxueuse. Ce tissu est utilisé dans une variété de biens de consommation. On peut en trouver aussi bien dans le textile, que dans les cosmétiques. Les cosmétiques? Oui? la soie est utilisée pour ses vertus hydratantes, adoucissantes et fortifiantes. Attention aux ingrédients tels que poudre de soie ou protéines de soie.
Les autres noms
Attention aux étiquettes. Les noms suivants sont aussi utilisés pour indiquer la soie animale.
Pour l’histoire de la soie
Ce n’est pas un secret pour ceux et celles qui me suivent, j’adore la mode! Comprendre un matériau, vouloir le faire évoluer, c’est aussi comprendre son histoire et son origine. Je vais faire court, car ce n’est pas le sujet.
La domestication du Bombyx mori pour la production de soie a été découverte pour la première fois en Chine il y a plus de 5000 ans. La connaissance de la fabrication de la soie était un secret en Chine depuis plus de 2000 ans. Littéralement, aucun autre pays ne connaissait ce tissu. Au fil du temps, les immigrants chinois ont apporté leurs connaissances sur la production de soie en Corée du Nord, en Inde, mais aussi dans le reste du monde.
Aujourd’hui, la Chine et l’Inde produisent ensemble plus de la moitié de la soie mondiale! Des mentions honorables vont au Japon, à la Thaïlande et à l’Italie qui possèdent également d’importantes industries de la soie.
Avec les abeilles, les vers à soie sont les seuls autres insectes que les humains ont domestiqués. La survie de Bombyx Mori dépend entièrement des humains. Pourquoi? Car toutes ses populations sauvages sont éteintes et seuls les domestiqués vivent aujourd’hui.
Au moment de la publication de cet article, le marché mondial de la soie vaut plus de 15 milliards USD. Vous l’avez compris, la soie n’est en aucun cas une petite industrie.
Comment la soie est-elle fabriquée?
Notre objectif est d’évaluer l’éthique de l’industrie de la soie. Pour cela, il faut d’abord comprendre le cycle de vie naturel du Bombyx mori. Ensuite, le comparer à son cycle de vie dans un environnement d’élevage. Le développement du Bombyx mori se fait en 4 étapes: œufs, chenille/larve, chrysalide, papillon.
Le cycle naturel
Étape 1 : l’œuf
La femelle Bombyx mori pond environ 500 œufs de la taille d’un point d’encre en été ou au début de l’automne. Les œufs restent dormants jusqu’à l’arrivée du printemps. Dans un environnement d’élevage, les agriculteurs réfrigèrent parfois les œufs pendant des mois à la fois, jusqu’à un an.
Étape 2 : larve
Les nouveau-nés du Bombyx mori mesurent environ 1/8 de pouce et sont incroyablement poilus. Les jeunes Bombyx mori ne peuvent se nourrir que de feuilles tendres de mûrier.
Pendant la croissance, la larve mue quatre fois. La période entre les mues successives est appelée un stade larvaire. Lors de la première mue, le Bombyx mori perd tous ses poils et acquiert une peau lisse. Cette étape de développement dure environ 27 jours, et pendant ce temps, le Bombyx passe par cinq stades.
À la fin de ce cycle, le Bombyx mori est 10 000 fois plus lourd et 30 fois plus long que ce qu’il était lors de son premier stade! Je ne sais pas vous mais moi je trouve ça incroyable!
Étape 3 : chrysalide
Alors que le Bombyx mori se prépare à se nymphoser, il se créer un cocon protecteur de la taille et de la couleur d’une boule de coton. Le cocon est fait d’un brin continu de soie d’environ 1,5 km de long (près d’un mile). Au cas où vous vous poseriez la question, la soie est durcie par la salive du Bombyx mori. La soie, dans ce cas, sort de la bouche et non de l’arrière comme une araignée.
Après la mue finale à l’intérieur du cocon, la larve perd sa peau et se développe en une structure brune recouverte de chitine appelée la nymphe.
Il faut environ 2 à 3 semaines à la chrysalide pour se transformer en papillon adulte.
Étape 4 : le papillon
Au stade imago, le papillon a une broche unique qui est utilisée pour dissoudre la soie afin qu’il puisse sortir du cocon. C’est le moment qu’attendait le Bombyx mori. L’évolution finale. Alors vous vous demandez peut-être, que font-ils maintenant qu’ils sont un papillon pleinement développé? Eh bien leur vie d’insectes ! Mais avec quelques limitations. Bien que cette petite créature ait des ailes, elle est incapable de voler.
Alors, que font-ils? Une fois que le papillon adulte sort de son cocon, son seul but est de trouver un membre du sexe opposé et de s’accoupler. Dans les 24 heures suivant l’accouplement, le papillon mâle meurt, tandis que la femelle pond des œufs, après quoi il meurt également.
Il y a une fenêtre de 5 à 10 jours pour cette activité avant que les papillons ne meurent naturellement. À partir de là, le cycle de vie du Bombyx mori redémarre.
En résumé, nous avons un cycle de vie de 6 à 7 semaines qui consiste principalement à manger des feuilles de mûrier, à se transformer plusieurs fois et à une semaine intense à essayer de s’accoupler et de se reproduire.
Étapes 3 et 4 de la soie revisitées
Alors maintenant que nous connaissons le cycle de vie naturel du Bombyx mori sans aucune intervention humaine, à quoi ressemble le processus lors de la récolte de la soie?
Il n’y a qu’une seule différence dans le processus. Une mais pas des moindres.
Si les chrysalides sont autorisées à devenir des papillons et à percer le cocon, la soie serait jugée inutile à des fins commerciales. Pourquoi? Car les agriculteurs veulent ce cocon intact pour pouvoir extraire toute la soie le plus efficacement possible.
La technique de la soie
Une personne trouve généralement l’extrémité du fil et la place sur une bobine d’enroulement, qui fait partie d’une machine à coudre. Ensuite, des machines sont utilisées pour dérouler le cocon et transformer les brins en fils de soie. De là, la soie est tissée en tissu. Ce processus est impossible s’il y a un trou géant dans le cocon. Et étant donné que l’industrie de la soie vaut plus de 15 milliards de dollars, nous ne pouvons pas avoir ces complications, n’est-ce pas?
Objectif: le cocon de soie intact
Pour préserver les pertes commerciales, vous l’avez compris, le but est de préserver le cocon de soie intact. Pour cela? On ne peut pas laisser la chrysalide en sortir. Elle percerait le cocon et briserait le long du fil qui le constitue (environ 1200 mètres). Un fil qui deviendrait alors invendable.
Comment garder le cocon intact?
Les chrysalides sont tuées avant qu’elles ne sortent de leurs cocons. Seuls quelques papillons sont autorisés à vivre pour la reproduction et continuer l’élevage de Bombyx mori. Cela ressemble étrangement à l’industrie des œufs! Mais dans l’industrie de la soie, les chenilles sont systématiquement tuées lors de la production de la soie.
Coincées dans leur cocon, les chenilles sont tuées. Pour cela, deux méthodes possibles.
Soit on les ébouillante, soit on les cuit au four. Vous préférez mourir brûlée vive ou ébouillantée? On ne leur laisse bien évidemment pas le choix. Et encoire moins le choix de vivre.
La méthode la plus couramment utilisée est le four. Cette technique permet en effet de “stocker” les cocons. Ils seront certes bouillis plus tard. Mais dans le cas où la technique du bain bouillonnant est utilisé, il faudrait immédiatement tisser le fil ensuite. Moins pratique pour les producteurs.
Nous ne parlons pas d’une petite exploitation paysanne qui élève 2 ou 3 cocons. Non non, sachez qu’il faut 1500 chrysalides en moyenne pour produire 1 mètre de soie. La soie que nous achetons provient d’élevages industriels, appelés, la sériciculture.
La soie est-elle vegan?
Le véganisme est un acte de compassion, ce qui signifie agir avec bienveillance envers les autres êtres sensibles. Assassiner le Bombyx mori dans son cocon contre son désir singulier de vivre assez longtemps pour se reproduire n’est pas un acte de bienveillance. Nous tuons des milliards de ces créatures chaque année. Plus de 6 500 Bombyx mori sont tués pour ne faire qu’un kilogramme (2,2 livres) de soie. La soie conventionnelle telle que nous la connaissons n’est donc pas vegan.
Quel est le plus important, une écharpe ou la vie?
Les vers à soie souffrent-ils ?
“Mais ça va, ce ne sont que des insectes”. Cette phrase, je l’ai déjà entendu. Et je ne me fais pas d’illusion, certains penseront ça en lisant cet article. Pourquoi? Parce que ce sont des êtres vivants plus petits? Que cela ne vous donne pas larme à l’œil comme une vidéo du festival de Yuhin (coucou spécisme) justifie-t-il d’élever et tuer des milliers d’insectes pour un produit dont on peut tout à fait se passer?
Pourtant, une autre considération qui est soulevée avec la cruauté de la soie est la sensibilité du Bombyx mori. Ces insectes ressentent-ils de la douleur et de la souffrance? Après tout, c’est la question que nous nous posons lorsque nous considérons la moralité et la bienveillance envers les espèces.
Beaucoup pensent que ces créatures ne sont pas assez développées pour ressentir la peur ou la douleur. De récentes études confirmeraient l’hypothèse selon laquelle de nombreuses espèces d’insectes et d’invertébrés ressentent la douleur et possèdent une forme de conscience. Les données à ce propos sont encore peu nombreuses, et parfois contradictoires. Il est évident qu’il s’agit d’un sujet très complexe et qu’un consensus a peu de chances d’émerger à court terme.
Leur souffrance étant une hypothèse très plausible, il est préférable de s’abstenir d’acheter de la soie, dont il est en plus très facile de se passer.
De la soie non violente, la “peace silk” ?
Le processus de production de soie conventionnel décrit ci-dessus représente la majorité du marché global de la soie. Il existerait une alternative plus éthique appelée soie de paix, également connue sous le nom de soie Ahimsa.
La soie de paix est fabriquée en permettant au Bombyx mori de terminer sa transformation en papillon dans la phase d’imago. Vu comme ça, tout porte à croire qu’il s’agit d’une manière moins nocive de la culture de la soie. Mais elle s’accompagne de compromis commerciaux majeurs, notamment:
- Pour que le Bombyx mori grandisse à l’intérieur du cocon et “s’en sorte naturellement”, la production de soie de paix prend environ deux semaines de plus que la soie biologique conventionnelle.
- Puisque le Bombyx mori détruit le fil de soie lors de l’éclosion, le tissu doit être tissé à la main. Cela signifie que les fils ne sont pas continus et certaines personnes affirment que cela se traduit par une texture moins délicate que la soie conventionnelle.
- Les cocons endommagés donnent six fois moins de filament qu’un cocon plein. Donc au lieu de 1 500 mètres de soie d’un cocon, on regarde 250 mètres en moyenne.
En raison de ces compromis, la soie de paix est deux fois plus chère et beaucoup moins rentable que la soie conventionnelle. Il est donc difficile pour les designers de travailler de manière durable avec la soie de paix sur le marché mondial.
Les limites de la peace silk
Si aucun insecte n’est tué, c’est bien non? Pourquoi tu n’en portes toujours pas?
Le terme soie de la paix reste paradoxal et comporte certaines limites. Certains fabricants vendent de la soie dite « pacifique », « non violente » ou « ahimsa », et assurent que les papillons sont sortis des cocons avant leur ébouillantage. PeTA informe cependant qu’il n’existe aucun organisme de certification susceptible de le garantir et que de la soie conventionnelle peut être vendue sous ces appellations.
De plus, PeTA relève également que le groupe Beauty Without Cruelty India a observé que les producteurs de ce type de soie faisaient pondre les femelles enfermées dans des bacs, tandis que les mâles étaient mis dans un réfrigérateur. On ne les sort que pour la reproduction, avant de les tuer.
Quand bien même ces industries relâcheraient les papillons, on peut légitimement se demander quelles sont leurs chances de survie, et ce d’autant plus que la soie est très souvent fabriquée par le papillon Bombyx mori, espèce qui n’existe pas à l’état sauvage mais qui résulte de la sélection génétique.
Enfin, gardez à l’esprit que, tout comme les œufs, cultiver Bombyx mori avec l’intention d’extraire leurs cocons est une relation d’exploitation. Ces animaux sont elevés dans un but lucratif. Il est donc important de se demander si tout cela en vaut vraiment la peine. En tant que personne qui n’a pas utilisé la soie depuis plusieurs années, je peux vous dire qu’il est facile de vivre sans elle.
Les alternatives sans cruauté à la soie et vegan
Si après avoir lu l’article jusqu’ici vous vous dites « ah, mais en fait, la soie c’est glauque », c’est normal. Mais vous les savez, on finit toujours un article avec des solutions pour ne plus contribuer à ces industries et mettre fin à cette exploitation animale.
Logos et labels
Il n’existe pas de certification officielle de la soie de la paix, ce qui rend encore plus difficile de faire confiance à l’intégrité des fournisseurs qui prétendent utiliser de la soie sans cruauté.
Peace Silk ne garantit pas non plus une production biologique.
Les alternatives vegan à la soie
Fort heureusement il existe des alternatives à la soie traditionnelle. Quand on parle de fibres naturelles, on pense souvent au coton ou au lin, mais il en existe d’autres.
- Le sabra ou la soie végétale. Attention, la composition du sabra peut être indiquée «100 % végétal» et contenir un pourcentage de soie ou de laine.
- La soie d’agave.
- Le nylon.
- Le tencel.
- Fibres de kapokier.
- Fibres de bananes et d’ananas.
Chacune de ces alternatives aura son article spécifique pour en apprendre davantage. Ainsi, cette liste sera complétée d’un lien qui redirigera sur plus d’informations.
Et vous, que pensez-vous de la soie?
J’espère que maintenant, l’industrie de la soie est plus claire pour vous. Qu’il est dorénavant plus évident d’expliquer en quoi la soie n’est pas sans victime.
A vous maintenant. Que pensez-vous de l’industrie de la soie? Faites-moi savoir dans les commentaires ci-dessous.
xo Amandine